Omnibus : accord sur les directives CS3D et CSRD
Un compromis provisoire conclu dans le cadre du trilogue Omnibus a conduit à une révision notable des ambitions initiales de l’Union européenne en matière de durabilité. Les nouvelles orientations abaissent les exigences prévues dans les directives CS3D (devoir de vigilance) et CSRD (reporting extra financier), avec un impact direct sur les entreprises visées et sur la trajectoire réglementaire européenne.
Un compromis qui recentre les priorités européennes
Dans la nuit du 8 au 9 décembre 2025, le Parlement européen et les États membres sont parvenus à un compromis visant à simplifier certaines dispositions des textes relatifs au développement durable et à l’investissement responsable. L’accord conclu s’inscrit dans la dynamique de “simplification” engagée par la Commission européenne depuis le début de l’année. Cette initiative répond à un objectif affiché : réduire la complexité administrative jugée excessive par de nombreuses entreprises. Le trilogue Omnibus, qui constitue la pierre angulaire de cette démarche, introduit plusieurs modifications visant à recentrer les obligations de durabilité sur les acteurs économiques les plus importants.
Si Bruxelles présente ce compromis comme une étape essentielle pour fluidifier l’environnement réglementaire, les réactions divergent selon les parties prenantes. Les associations de défense de l’environnement regrettent une baisse du niveau d’ambition, tandis que nombre d’entreprises accueillent favorablement cette révision.
CSRD : un périmètre d’application resserré
L’accord prévoit un champ d’application plus limité pour la CSRD. Les futures obligations ne concerneraient plus que les organisations dépassant 1 000 salariés et un chiffre d’affaires net supérieur à 450 millions d’euros. Certaines structures, comme les holdings financières, seraient explicitement exclues du dispositif.
Malgré ce resserrement, l’un des éléments structurants de la CSRD — son extraterritorialité — demeure inchangé. Des centaines d’entreprises situées hors de l’UE devraient ainsi rester soumises aux obligations européennes à l’horizon 2029.
Le calendrier réglementaire est également ajusté, dans la continuité du mécanisme “Stop-the-clock” activé en avril 2025 ; qui avait déjà repoussé de deux ans l’entrée en vigueur de la CSRD pour certaines entreprises. Avec l’accord Omnibus, si le compromis est confirmé, de nombreuses sociétés initialement tenues de publier en 2024 pourraient être exemptées en 2025 et 2026.
CS3D : un devoir de vigilance limité aux très grandes entreprises
Le périmètre du devoir de vigilance est lui aussi revu à la baisse. Seules les entreprises de plus de 5000 salariés et réalisant plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires seraient concernées. L’obligation de publier un plan de transition climatique disparaît du texte, une évolution qualifiée de recul significatif par certains négociateurs.
En revanche, le régime de sanctions demeure particulièrement ferme. Les entreprises contrevenantes pourraient se voir infliger des amendes allant jusqu’à 3 % de leur chiffre d’affaires mondial, un élément maintenu pour garantir l’efficacité du dispositif.
Le texte modifie également l’approche d’identification des risques. Il ne sera plus exigé des entreprises qu’elles produisent une cartographie complète de leurs chaînes d’activité ; elles devront désormais cibler les segments les plus exposés. Cette évolution transforme la philosophie du devoir de vigilance, en mettant l’accent sur les risques prioritaires plutôt que sur l’exhaustivité.
Nouveaux délais de mise en conformité
Les États membres bénéficieront de délais supplémentaires pour transposer ces directives. La transposition est désormais attendue pour juillet 2028, et les entreprises disposeront jusqu’à fin juillet 2029 pour appliquer les nouvelles règles.
Cette phase de transposition pourrait soulever des questions sensibles dans certains pays, notamment, la France qui devra clarifier sa position : le cadre juridique existant est plus exigeant que les normes révisées au niveau européen. Les autorités devront décider s’il convient de maintenir un niveau de protection plus ambitieux ou d’aligner la législation nationale sur le nouveau compromis européen.
Les entreprises ayant déjà anticipé les futures obligations devront quant à elles adapter leurs démarches à ce nouveau contexte réglementaire.
Une volonté assumée de réduire la charge administrative
La Commission poursuit son objectif de diminuer l’ensemble des charges administratives pesant sur les entreprises — une réduction de 25 % en moyenne, et jusqu’à 35 % pour les PME. Plusieurs responsables politiques soutiennent cette orientation, estimant qu’un cadre réglementaire trop dense freine la compétitivité européenne et complique les investissements liés à la transition écologique.
Le ministre danois Morten Bødskov a notamment réaffirmé la nécessité de clarifier et simplifier les règles pour permettre aux entreprises de consacrer davantage de ressources à leur stratégie de croissance et à leurs engagements environnementaux.
Prochaine étape : validation en séance plénière
Le texte issu du trilogue doit encore être approuvé lors du vote du Parlement européen prévu le 16 décembre. Ce scrutin sera déterminant : il scellera l’entrée en vigueur des ajustements ou rouvrira potentiellement les discussions sur certains points qui devront être réexaminés.